L'histoire millénaire de la soie. Une invention chinoise convoitée
Les origines
Il semble que la sériciculture (élevage du ver à soie) remonte au règne de l’empereur Huang Di, voici environ 5000 ans. On prête volontiers à ce souverain mythique, un rôle de civilisateur. L'élevage du ver à soie serait dû à sa femme Lei Zu, nommée quelquefois déesse de la soie.
Rubans, fils et fragments tissés excavés dans la province du Zhejiang semblent valider cette datation.
Cependant, la découverte archéologique, au Sud du fleuve Yangtze, d’une petite tasse d'ivoire portant une inscription mentionnant le ver à soie, ainsi que fils, outils et tissu, supposés vieux de 6000 et 7000, ans pourraient accréditer la thèse d’origines bien plus anciennes.
Une technique empirique
Il fallut des siècles d’expérimentation, pour que celle-ci atteigne la perfection et que le fil devienne lisse et rond.
L’espèce sauvage, Bombyx mandarina Moore, qui se nourrissait uniquement de murier blanc évolua, vers le Bombyx mori, perdit la capacité de voler et de voir… et devint un reproducteur de vers à soie.
Le secret de la technique d’élevage des vers et de tissage de la soie furent préservés essentiellement du fait de leur complexité, mais également par crainte du châtiment encouru, par les félons qui auraient divulgué des secrets ou tenté de passer vers ou cocons en contrebande.
L’élevage
Les œufs doivent être maintenus à 33 degrés Celsius, puis 40 degrés, quand ils sont prêts à éclore. Les jeunes vers sont alors alimentés toutes les demi-heures, jour et nuit, de feuilles fraîches de murier, coupées et triées à la main. Placés sur des plateaux, eux-mêmes empilés les uns sur les autres, ils sont maintenus à température constante.
Vers 25 jours, ils produisent en 3 à 4 jours une substance gélatineuse, qui durcit au contact de l'air et qui devient le cocon. Celui-ci sera maintenu dans un endroit chaud et sec pendant huit ou neuf jours.
La production
Les chrysalides, une fois formées sont passées à la vapeur, et les vers sont tués. Elles sont alors plongées dans de l'eau chaude pour en détacher les filaments.
Dénoué, un seul cocon produit un filament en soie, qui enroulé sur une bobine, peut atteindre 600 à 1000 mètres. Cinq à huit de ces filaments incroyablement fins sont alors roulés ensemble pour former un fil, qui sera teint et tissé.
Dans chaque province productrice, élever les vers, rouler la soie, tourner le fil étaient le travail ordinaire des femmes. Tissage et travail de broderie étaient exécutés à la maison ou dans de grands ateliers.
De l’usage de la soie
A l’origine, la soie est exclusivement réservée à l’empereur, son cercle familial, ainsi qu’aux hauts dignitaires. Usage et teintes sont très codifiés. Dans son palais, l’empereur porte de longues robes en soie blanche, le jaune, couleur de la terre, est porté par les membres de la famille impériale.
Avec le temps, son usage se démocratise. Elle est également utilisée pour fabriquer cordages et papier luxueux. Sous les Han, et jusqu’au Tang, elle sert même de monnaie d’échange, utilisée pour payer les impôts, les fonctionnaires. Les prix étaient calculés à son aulne.
La route de la soie
La soie est acheminée vers l’Europe. Ses caravanes ouvrent la mythique route de la soie, née d’accords passés avec les tribus d’Asie centrale, qui permet le développement des échanges et du commerce de pierres précieuses, or, jade, argent, avec les romains et les hindous notamment.
Ce réseau de routes commerciales, relie la ville de Chang’an (actuelle Xi’an) à la vile d’Antioche, en Syrie médiévale (Turquie aujourd’hui). Il traverse ainsi la Chine, l'Asie centrale, l'Inde du nord, les empires Parthes (nomades de l’est Iranien) et romains et relie la vallée du fleuve Jaune à la mer méditerranée.
Corollaire au passage de négociants étrangers, le bouddhisme se répand d’Inde vers la Chine, tout comme l'islam, le long des itinéraires transsibériens.
Vers 760, le commerce commence à décliner, au profit des routes maritimes, plus sécures.
Quelques faits anecdotiques
En 1907, l’archéologue Aurel Stein découvrit dans les cavernes des Mille Bouddhas, peintures sur soie, et bannières, soit un total de 20 000 documents, qu’il emporta, afin de les préserver des pillards. Ces trésors appartiennent au British Museum, à la British Library, la Library of Indian Affairs et au Musée national de New Dehli.
Certains récits relatent que les soldats des légions de Marcus Licinius Crassus, combattant à la bataille de Carrhes en 53 av. J.C, furent tellement effrayés par les bannières de soie colorée des Parthes qu'ils s’enfuirent. Ou encore que les romains étaient prêts à tout pour se procurer une toge en soie. Afin d’éviter les débordements, la loi somptuaire romaine interdit son usage aux hommes.
Les barbares l’appréciaient également, et en 408, le goth Alaric, lors du pillage de Rome, réclama pour épargner la ville, une rançon de 5 000 livres d'or, 3 000 livres de poivre, 30 000 livres d'argent et 4 000 tuniques de soie.
Le secret est éventé
Dès le début de notre ère, la sériciculture n’a plus de secrets pour la Corée. En l’an 440, sa technique est connue en Inde, puis vers 550 dans l’empire byzantin. Immigrés, moines ou marchands dissimulent œufs et cocons dans leurs effets et divulguent le secret, pour en tirer profit.
L’industrie de la soie byzantine est née, qui tente de rivaliser avec la Chine. Bien que de bonne qualité, elle peine à rivaliser et la soie chinoise reste préférée par les acheteurs du Moyen orient et de l’Europe.
C’est seulement au VIe siècle, que les Persans commencent à maîtriser cet art et développent leurs propres techniques et au XIIIe siècle, à l'époque des croisades, que l'Italie la produit, lorsqu’ elle ramène d’habiles tisserands de Constantinople.
Production de la soie aujourd'hui
La Chine redevint le premier producteur mondial de soie vers la fin des années 70 et bien que concurrencée par les fibres synthétiques, sa production a doublé ces trente dernières années.
Actuellement La Chine et le Japon produisent ensemble la moitié de la soie mondiale.