Le taoïsme
Trois grands systèmes philosophico-religieux dominent la longue histoire de la Chine : le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme.
Le taoïsme est une philosophie, dont le concept se réfère à l’essence de l’univers, l’ordre de la nature, et régit l’existence.
Son histoire
L'historicité du taoïsme est difficile à cerner.
Origine
Ce système philosophico-religieux s'est formé au fil des siècles, en intégrant progressivement différents courants issus de l’antiquité chinoise, alors que confucianisme et bouddhisme sont directement rattachés à un personnage fondateur, ce qui permet de les situer dans le temps.
La découverte lors de fouilles archéologiques de versions anciennes du Livre de la Voie ont permis de conclure, que, comme la plupart des écrits classiques chinois de la période antique, il n'est pas l'œuvre d'un seul auteur, et que son texte a évolué au cours de compilations successives.

Évolution
Le taoïsme, qui apparaît à ses débuts comme un courant de pensée philosophique, celle de l'Absolu comme Voie (Dao ou Tao, qui a donné le mot taoïsme), commence à s'organiser en tant que religion au milieu du IIe siècle de notre ère. Durant son histoire, vieille de 2000 ans, ses rituels ont beaucoup évolué et pris de multiples formes.

Confucianisme et taoïsme
A partir des Han, le taoïsme se défini par rapport à son rival, le confucianisme, bien que ces deux courants de pensée soient plus complémentaires, qu’antagonistes. Au cours des âges, les lettrés chinois les perçoivent comme deux moyens différents d’arriver au même but : la sagesse pour soi-le taoïsme- et la société-le confucianisme-. Chacun est efficace dans son domaine, et, comme le dit l’adage, on peut être « confucianiste le jour et taoïste la nuit ».


Les trois enseignements
A partir du Ier siècle, l’introduction du bouddhisme séduit les lettrés, mais les idées indiennes sont faussement assimilées à une forme de taoïsme, aussi, confucianisme, bouddhisme et taoïsme, s'influencent-ils mutuellement, au point qu’il devient souvent difficile de les dégager.
Particularisme chinois, ce syncrétisme permet aux trois enseignements de cohabiter, d’échanger, et aussi d’éviter la plupart du temps les guerres de religion, transformées en luttes d’influence auprès de l’empereur.
Le pouvoir attend soutien des trois, et officialise à tour de rôle l’un ou l'autre, provoquant une alliance objective des deux autres.
Déclin
Vers la fin de l'époque impériale, le taoïsme commence à être attaqué comme le cœur de tout ce que la culture chinoise comprend de superstitieux, de féodal et de retardé.
Les politiques anti-religieuses, dans les dernières années du XIXe siècle visent particulièrement les temples, sans lesquels il n'est pas de taoïsme, et les taoshi. Les rituels sont interdits et les persécutions nombreuses.

Renouveau
La relative ouverture religieuse depuis vingt ans a permis au taoïsme de sortir de l’ombre et de renaître, dans les monastères et les campagnes, même si la situation reste difficile en de nombreux endroits.
Suivre la voie

La recherche de la sagesse en Chine, se fonde sur l’harmonie, qui pour les taoïstes, équivaut à retourner à l’authenticité de la nature.
En imitant sa passivité féconde, en plaçant cœur et esprit dans cette voie-le Tao-l’homme peut se libérer des contraintes sociales, et retrouver insouciance, spontanéité et liberté individuelle. Pour ce faire, le taoïste peut fuir la ville et se retirer dans les montagnes, ou vivre en paysan.
Confucius, évoque ceux qui assument la vie en société et cherchent à l’améliorer (les confucianistes) et ceux qui considèrent qu’il est impossible, voire dangereux d’améliorer la société, qui n’est qu’un cadre artificiel empêchant le naturel de s’exprimer (les taoïstes).
Illustration
Zhuang Tseu, dans son ouvrage Zhuangzi illustre cet antagonisme, avec l’histoire édifiante de l’arbre tordu, dont le menuisier ne peut faire de planches, et qui vivra de sa belle vie au bord du chemin, tandis que l’arbre bien droit sera coupé, puis vendu par le bûcheron. L’inutilité est garante de sérénité et de longue vie. Il est sage d’être inutile, vide, sans qualités, transparent, de « vomir son intelligence », de n’avoir pas d’idées préconçues et le moins d’opinions possible. Ayant fait le vide en soi, le sage est entièrement disponible et se laisse emporter librement, comme une feuille morte pour « s’ébattre dans la Voie »

Plénitude, vacuité et paradoxes
« La roue tourne par le vide du moyeu. La jarre contient d’autant plus qu’elle est creuse. Sans les trous des portes et fenêtres, à quoi sert une maison ? ». Ce qui peut se résumer par « du plein », comme moyen et « du vide » comme effet.
L’inutilité sociale, la libération de tout souci mondain, sont les aspirations les plus courantes de la voie taoïste. Cependant pour réaliser cette libération, point n’est nécessaire de se retirer du monde « c’est sans sortir de chez soi qu’on connaît le monde », « ce n’est en ne sachant pas qu’on sait », « c’est quand on agit le moins que son action est la plus efficace », « la faiblesse est plus forte que la force », « la stupidité marque l’intelligence suprême », « la civilisation est une décadence ». Le but de ces paradoxes semble d'abord de briser la logique, mais également une manière d’apporter une efficacité bien éloignée d’une mécanique vide.

Non agir (wu-wei)
Wu-wei est une idée principale de Lao Tseu. le taoïsme s’attache à cultiver l’efficacité particulière qui découle de l’absence d’intentions. L’activité de certains artisans est minutieusement décrite par Zhuangzi. Il montre un boucher ou un charron qui ont acquis une grande maîtrise de leur art après des années d’apprentissage, et qui de ce fait peuvent oublier les règles et la matière qu’ils travaillent. Ils laissent les gestes et leur corps opérer seuls, sans intention consciente. Certaines situations montrent que le vouloir, peut interférer avec l’action du corps, et produire des œuvres ratées. Une part de lâcher prise, de laisser faire, est souvent nécessaire pour peindre, écrire, sculpter ou chanter…
Les œuvres du Zhuang Tseu et Lao Tseu peuvent être lues comme des énigmes. Le sens n’a pas été épuisé en de nombreux siècles de tradition chinoise.

Suivre la voie

Le calendrier est rythmé par des fêtes solaires, notamment les équinoxes, précédés de jeûnes, aboutissant à des paroxysmes. Il y a beaucoup de littérature sur ces festins orgiaques. Dans certaines régions, les églises taoïstes tenaient l’état-civil, et célébraient les naissances, les mariages et les décès. Contrairement aux religions universelles de salut, les rituels taoïstes ne sont pas fixés en une recette stricte et exportable.
Régime alimentaire
La vie se nourrit avec du mort, l’adepte le constate aussi, et se demande surtout : comment devenir immortel en mangeant des choses qui vont mourir ?
Le taoïsme prône le végétarisme.
Selon Marcel Granet (1884-1940) spécialiste de la Chine ancienne « pour accroître ou seulement conserver sa vitalité, [l'adepte] doit adopter un régime conforme au rythme de la vie universelle. Toutes ces techniques procèdent, en effet, d’une systématisation des règles saisonnières de la vie rustique dont la grande loi était de faire alterner les débauches d’activité joyeuse et les temps de famine, de restriction, de contrainte. De là provient en particulier l’idée que le jeûne vaut uniquement à titre de préparation à la frairie. Les privations, loin d’être inspirées par le désir de macérer le corps, tendent uniquement à le purger de tout ce qui peut être poison, maléfice, germe de mort. Il s’agit non de se mortifier, mais de se vivifier »

Respiration et gymnastique
Le taoïste cherche à retenir son souffle le plus longtemps possible, cette apnée a des effets psychotropes. L’air, le qi, étant considéré comme la substance de tous les corps, l’adepte, en respirant, régénère sa matière, en se représentant mentalement la sensation d’air dans une anatomie sentie.
Selon Maurice Granet , « c’est le matin seulement que la gymnastique respiratoire est profitable. Les exercices d’assouplissement n’ont d’heureux effets qu’au printemps. Les jeunes pousses, alors, sont encore toute souplesse. Le printemps est la saison des danses rustiques qui suscitent la montée de la sève et aident au renouveau : on y mime les souples inflexions des tiges naissantes sous le souffle fécond du Ciel. De pareilles danses et des ébats gymniques peuvent seuls conserver la souplesse première. Quand celle-ci disparaît, la mort triomphe chez les humains qui s’ankylosent, comme chez les plantes qui se lignifient. Ce qui est dur et résistant s’use et périt. Seul demeure invulnérable et vivant ce qui sait ployer. »

La sexualité - La complémentarité yin-yang
À l'opposé des pratiques religieuses monacales, un taoïste peut être marié, la piété filiale et le culte chinois de la descendance est respecté. La sexualité n’est pas réprimée, mais sacralisée, notamment par les complémentarités yin-yang nourrissant symboliquement le principe vital. Echo à la particularité de la technique respiratoire chinoise, apnée et rétention, ce mode est appliqué à l’acte. Les traités s’étendent sur des recettes pour conserver l’essence. Cependant, la modération est conseillée en toute chose.

La morale
Avant de découvrir la voie, l’adepte pratique une charité proche de celle du christianisme « tu ne tueras pas, tu ne voleras point ».
La faute ne se transmet pas de pères en fils, ou par les renaissances. Le pardon et le rachat sont possibles, l’évaluation très précise des fautes et des bonnes actions répond au code des délits et des peines, révélateur des représentations et de l’ordre social. Ainsi, on peut se racheter en réparant cent pas de route, ou en fournissant le riz et la viande utiles à des auberges publiques gratuites.
Pour un taoïste, une mauvaise action, ce sont des jours de vie en moins, et quand la mort vient, il est trop tard.

Citations de Lao Tzu
Un bon voyageur n'a aucun plan fixe. Ce n’est pas l’arrivée qui compte.
Simplicité, patience, compassion sont les plus grands trésors.
De grands actes se composent de petits contrats.
Si vous vous rendez compte que toutes les choses changent, il n'y a rien que vous puissiez y faire.
Si vous n'avez pas peur de la mort, il n’y a rien que vous ne puissiez réaliser.
La nature ne se dépêche pas, pourtant tout est accompli.
Soyez heureux avec ce que vous avez. Quand vous réalisez que rien ne vous manque, le monde entier vous appartient.
Etre aimé par quelqu'un donne force et courage.
Comment l'homme pourrait-il se réjouir dans la victoire et la mort des hommes ?
